Extraits choisis par Diane Z.
Le fabuleux destin de Gabrielle Chanel
1913 « Que d’insatisfaction au fond des yeux si beaux de la Gabrielle de ce temps-là. Le visage délicat sous l’immense chapeau porte les traces d’une insondable amertume. La réserve est évidente, l’ironie aussi. Le sourire qui n’en est pas un, cette bouche en colère, toute une grâce ombrageuse déconcertante autant qu’un déguisement. Seule éclate, dans toute son évidence, la volonté d’affranchissement de cette fière amazone.
Et se devine l’essentiel… La crânerie inimitable du petit nœud papillon qui fait de celle qui le porte un prodige de singularité. Comparée aux jolies filles qui l’accompagnent, elle semble appartenir à une autre humanité.
On constate que la technique vestimentaire de Chanel, telle qu’elle s’exprimera quinze ans plus tard, est déjà résumée dans le costume qu’elle portait ce jour-là. »
La première vie de Coco
1913-1916 « Le lundi à Saint-Cloud, le mardi à Enghien, le mercredi au Tremblay, le jeudi à Auteuil, le vendredi à Maisons-Laffitte, le samedi à Vincennes, le dimanche à Longchamp, c’était cela vivre avec Étienne, c’était aller d’hippodrome en hippodrome.
Trois ans s’écoulèrent ainsi dans un monde où les joies et les soucis du turf étaient censés suppléer à tout. Sans perles ni dentelles, toujours vêtue en jeune fille, tailleur strict et canotier, car, dans sa hantise d’être prise pour une cocotte, elle forçait la dose du convenable, Gabrielle menait une vie de plante vivace… »
Aux origines de la marinière…
1914 « Chanel mit alors à exécution ce projet qu’elle avait depuis longtemps en tête. Elle se procura deux tissus caractéristiques du vestiaire britannique, empruntant à Boy le tricot de ses sweaters et la flanelle de ses blazers. Geste qu’elle allait souvent répéter par la suite, car toujours elle fouilla dans les armoires de ses amants à la recherche d’idées nouvelles.
Ainsi naquit un premier modèle qui, par sa coupe, tenait de la marinière, et par sa matière, du pull-over des garçons d’écurie. La ligne en était lâche et ne nécessitait pas le port d’aucun corset. Le corps n’était que suggéré.
Or une mode qui renonçait à se donner pour seul but l’accentuation des appas féminins se situait à l’opposé des tendances du jour. Gabrielle s’y risqua. Elle était convaincue que, respectant le naturel, elle n’ôtait rien à la féminité, bien au contraire. L’accueil qu’elle reçut le lui confirma.
Elle obtint ainsi son premier succès de couturière. »
Une célèbre adresse au cœur de la capitale…
1917 « Rien ne pouvait empêcher que la guerre rapprochât les femmes de ce qui, toujours avait été hors de leur portée : la liberté.
Et, une fois de plus, ce fut la guerre qui fit le jeu de Gabrielle Chanel. Située 21, rue Cambon par pur hasard et parce qu’ à l’époque aucune autre possibilité ne s’était offerte, sa boutique parisienne se trouva désormais sur le chemin que suivaient, chaque jour, des femmes apprenant à connaître ce qui se meut et vit dans une ville, parce que, pour la première fois, elles allaient par les rues de Paris seules et à pied. »